Tenrikyo Europe Centre

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Discours du Service mensuel d'avril '25

Masato FUJIWARA (Chef de Tenrikyo Lyon)

Le mois d'avril, c'est celui de l'anniversaire d'Oyasama. Oyasama, du nom de Miki NAKAYAMA, est née le 18 avril 1798. Si vous replacez cette date dans l'histoire de France, elle se situe juste après la Révolution française. Miki fut une jeune fille exceptionnellement exemplaire, mais elle ne semblait pas en mesure de dépasser les codes sociaux, féodaux et religieux de l'époque.

Ses quarante premières années furent humainement remarquables mais jamais surnaturelles ni surpuissantes, et encore moins divines, contrairement à ses cinquante dernières années. Il est important de rappeler que Miki, de formation bouddhiste, n'était qu'une personne comme les autres qui s'accommodait parfaitement à la société de son temps. Cependant, cet aspect humain, admirable et respecté fut une condition nécessaire pour devenir le Temple de Tsukihi.

L'an 1838 où Miki a révélé un enseignement hors norme pour l'époque à ses quarante ans, correspond à une période de transition progressive de la société japonaise après avoir connu une période relativement paisible, réalisée par le gouvernement militaire des samouraïs. La répétition des mesures d'austérité et des famines plombaient de plus en plus le moral du peuple japonais, qui commençait à se rebeller avec une augmentation des conflits locaux, mais le Japon n'avait pas encore connu la fin du système féodal des samouraïs, ni les changements radicaux du paysage religieux et moral ou de l'organisation sociale, ni la révolution industrielle.

Les années 1830 du XIXe siècle correspondent en France à la monarchie de Juillet. Après la Révolution française, la monarchie allait vers sa disparition, le pouvoir religieux allait perdre de son influence et la laïcisation progressait inexorablement vers la victoire. Les écoles, qui étaient jadis un quasi-monopole des religieux sous l'Ancien Régime, allaient être structurées sous l'impulsion de la République française par souci de former un bon citoyen, non pas un bon croyant. De plus, avec la révolution industrielle du XIXe siècle, les êtres humains s'orientaient progressivement mais irrémédiablement vers le progrès scientifique, au détriment des convictions spirituelles.

La naissance de Miki, ainsi que la révélation du Tenrikyô, ont eu lieu donc avant ce changement radical, appelé la Restauration de Meiji, qui eut un impact comparable à la Révolution française. Si vous pouvez imaginer que, sous l'Ancien Régime, une femme ayant reçu une éducation catholique dans son enfance avait fait une déclaration comme : « Je suis le Dieu originel, le Dieu véritable. » ou encore : « Je suis venu du ciel pour sauver l'humanité entière », il vous serait facile de supposer l'impact que cela aurait pu provoquer.

Les enseignements révélés par Oyasama comprenaient de nombreux éléments inédits : l'histoire de la Création, les dix fonctions protectrices, la pratique du Service, entre autres. Tout cela fut révélé avant que le peuple japonais ne découvre les changements idéologiques et la modernisation mondiale portés par le progrès industriel et scientifique. Ce qui est encore plus notable, c'est que ces enseignements n'ont pas été perturbés par ce bouleversement total du siècle et qu'ils ont même démontré – et démontrent encore aujourd'hui – leur compatibilité avec les innovations de toutes sortes.

À propos de ce caractère universel des enseignements d'Oyasama, je voudrais développer un de ses points qui n'a pas eu à développer à son époque mais qui devra s'appliquer à notre époque. Même si, je l'avoue, mon opinion ne ferait pas l'unanimité au sein même de Tenrikyo.

Il s'agit de la question de la famille recomposée. Il y a quelques années, on parlait beaucoup du mariage homosexuel pour savoir si Tenrikyo pourrait le célébrer ou non. Cette question n'a toujours pas trouvé d'issue officielle et reste d'actualité. Mais le temps évolue rapidement. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à la question des familles recomposées avec des parents de même sexe.

De nos jours, de plus en plus d'enfants disent : « Ma famille est composée de deux mères et de moi. » Il existe plusieurs possibilités pour que des parents de même sexe aient des enfants : des enfants issus d'une union précédente, l'adoption, l'utilisation des techniques médicales comme le don de sperme ou la gestation pour autrui, entre autres.

Jusqu'à présent, dans un couple hétérosexuel, il y avait déjà des enfants issus d'une union précédente, ainsi que des enfants adoptés. En ce qui concerne les solutions médicales, chaque pays adopte ses propres législations pour encadrer ces pratiques. Mais tant que les lois sont respectées, les parents hétérosexuels peuvent avoir des enfants et les intégrer dans la communauté sans problème de légitimité. Même s'il peut y avoir des croyants qui ont de forts doutes quant à l'idée d'avoir des enfants en ayant recours à certaines pratiques médicales, je ne pense pas que les kyôkais ou églises de Tenrikyô s'en prennent violemment à la moralité d'une telle famille.

Cependant, lorsqu'il s'agit d'un couple de même sexe, la situation est-elle la même que pour un couple hétérosexuel ? Dans une communauté ayant des convictions religieuses traditionnelles, il existerait un risque de réaction très forte, pouvant entraîner des conflits et des divisions entre les fidèles. À ce point-là, bien que relativement jeune par rapport aux religions très anciennes, Tenrikyô conserve malgré tout une vision très classique de la famille.

Or, comme les pratiquants de Tenrikyô sont très gentils et accueillants, j'imagine aisément que les enfants d'un couple homosexuel sont bien accueillis et qu'ils peuvent profiter joyeusement d'un événement ou d'une activité au sein de la communauté Tenrikyô. Sur le terrain, on applique ainsi ce qui est dit dans l'Ofudesaki :

Je ne suis qu'amour pour tous mes enfants
et ne fais entre eux aucune différence.XV, 69

Donc, en apparence, une communauté de Tenrikyô peut accepter tous les enfants, quelle que soit leur situation familiale. Cependant, sur le fond de la doctrine de Tenrikyô, les enfants de parents homosexuels poseraient un sérieux problème si l'on n'applique pas une réflexion en accord avec ses principes.

D'après l'histoire de la Création, les premiers êtres humains furent conçus à l'image d'un caractère féminin et d'un autre masculin. Je vous présente deux versets à ce sujet parmi tant d'autres, avec Izanagi et le poisson comme représentant masculin, tandis qu'Izanami et le serpent représentent la féminité.

En appelant à moi Izanagi et Izanami
je les initiai à ma protection génératrice de l'homme.VI, 31

En premier lieu ayant tiré du milieu de l'eau boueuse
un poisson, un serpent, j'en fis le premier couple.VI, 32

Et aussi, dans la deuxième partie du Service assis :

Voici : Dieu a quelque chose à vous dire. Prêtez l'oreille !
Car jamais Je ne vous dis rien d'erroné.
A l'image du ciel et de la terre de ce monde,
J'ai créé l'homme et la femme :
C'est ainsi que fut commencé ce monde.

À partir de cette histoire de la Création, on peut déduire qu'à l'origine, les êtres humains sont nés d'une femme et d'un homme. C'est pourquoi nous devons respecter ce principe du couple hétérosexuel. Autrement dit, nous devons préserver la conception traditionnelle de la famille, avec un couple formé d'une femme et d'un mari.

Cependant, de cette même histoire de la Création découle l'enseignement des dix fonctions protectrices. Je vous recommande de lire les chapitres trois et quatre du livre de la doctrine de Tenrikyô pour en apprendre davantage. Je pense que la compréhension de la différenciation et de la complémentarité des sexes, telles qu'elles se manifestent dans les dix fonctions protectrices, est une clé essentielle pour coexister avec la diversité des familles dans le monde à venir.

Les dix fonctions protectrices peuvent être considérées comme une forme de principe régissant le fonctionnement de toute chose dans la nature et dans l'univers. Mais elles sont aussi à l'œuvre dans la vie de chaque être humain. Qu'il s'agisse d'une femme ou d'un homme, chacun bénéficie de ces mêmes protections à la fois féminines et masculines. Parmi ces dix fonctions protectrices, cinq expriment la masculinité et les cinq autres la féminité. C'est-à-dire, chez chaque individu, les deux caractères masculin et féminin sont présents en proportions égales.

En d'autres termes, bien que les êtres humains présentent des différences de sexe d'un point de vue à la fois apparent et fonctionnel, il n'existe pas d'entité exclusivement féminine ou exclusivement masculine. Il est plus juste de considérer que, dans chaque femme, il existe une part féminine et une autre masculine en proportions égales et, dans chaque homme, également.

En ce qui concerne le mariage, dans l'Ofudesaki, Oyasama parle d'une union fondée sur l'innen, en prenant pour exemple le mariage de son fils Shuji.

Joignant la causalité des vies antérieures, je protège.
Gage de stabilité pour les générations sans fin.I, 74

Et également, il est dit dans une prescription divine :

Un mariage établit un lien entre deux cœurs. Les cœurs reliés, ça sera pour leur vie entière.(le 24 juin 1895)

Bien évidemment, à l'époque, le mariage signifiait forcément une union hétérosexuelle. La question du couple homosexuel ne s'est même pas posée. De plus, dans Tenrikyô, le mariage n'a pas la signification d'un engagement strictement religieux, comme nous pouvons le voir dans d'autres religions. Il s'agit d'un lien humain de cœur à cœur. Vous savez très bien que, dans Tenrikyô, il est enseigné que le cœur nous appartient en propre et reste à notre disposition.

Dans cette perspective, on peut comprendre que la notion de « couple » enseignée par Oyasama pourrait recouvrir différentes significations. Elle inclut bien sûr la forme traditionnelle du mariage, mais pourrait aussi englober des unions basées sur un partenariat qui n'implique ni un contrat matrimonial ni un engagement religieux comme le PACS. Par ailleurs, même dans le cas d'un parent seul, si les rôles traditionnellement assumés par un couple sont remplis selon les dix fonctions protectrices, un couple fonctionnel peut exister, même s'il n'est constitué que d'un seul parent. Ainsi, il n'est pas exclu de penser qu'un couple de même sexe, ou des parents de même sexe, puissent parfaitement remplir les fonctions classiques des deux parents.

Si, dans l'enseignement, il est possible de trouver des justifications en faveur de la conception traditionnelle de la famille, il ne me semble pas exister un fondement doctrinal permettant de rejeter les familles formées par les couples de même sexe, de manière claire et définitive.

À mon avis, la décision de célébrer ou non les différentes formes de famille au sein de Tenrikyô devrait être laissée à chacun, qui peut en juger en fonction de ses propres expériences. Cependant, il demeure indispensable de s'appuyer sur une base doctrinale fondée sur les dix fonctions protectrices.

Pour élever un enfant, une famille est probablement nécessaire dans la plupart des cas, y compris pour les orphelins, les enfants abandonnés ou ceux issus de familles recomposées. Par ailleurs, il peut y avoir une certaine légitimité dans le recours à des techniques médicales comme la fécondation in vitro, le don de sperme ou la gestation pour autrui, même si je ne sois pas entièrement convaincu par les arguments en faveur de ces pratiques médicales. Quoi qu'il en soit, je pense que le nombre de couples de même sexe et de leurs familles continuera d'augmenter.

Et comme je l'ai dit, selon les enseignements de Tenrikyô, rien ne justifierait le refus de ces familles. Il faut simplement être très vigilant contre l'exploitation abusive de la famille par avidité ou égoïsme. Il est nécessaire de maintenir un équilibre entre la doctrine et l'éthique, en suivant, comme principes de l'utilisation du cœur, les huit poussières mentales que sont "la mesquinerie, la convoitise, la haine, l'égoïsme, la rancune, la colère, l'avidité et l'orgueil", ainsi que le mensonge et la flatterie.

Je tiens à souligner que je n'ai aucune intention de détruire la conception traditionnelle de la famille. Je pense que la grande majorité de l'humanité continuera à vivre dans des familles composées de couples hétérosexuels. Toutefois, il ne faut pas oublier que, malgré sa naissance en toute fin du XVIIIe siècle, Oyasama a laissé ses enseignements capables de répondre à n'importe quelle question et d'y apporter une solution, à condition que nous ne cessions pas de fournir des efforts pour les approfondir. La question de la famille n'en est qu'un exemple. Gardons à l'esprit que, quelles que soient les époques qui vont venir, les enseignements d'Oyasama nous aideront, n'importe quand et n'importe où.

Je vous remercie de votre attention.

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