Tenrikyo Europe Centre
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Masato FUJIWARA (Chef de Tenrikyo Lyon)
Comme nous le montrent les mots-clés pour la Vie de Joie depuis quelques années, la gratitude, la modération et l'entraide sont les comportements primordiaux pour notre pratique religieuse. Pourtant, ces trois conduites extrêmement simples sont des exercices que nous essayons de pratiquer le plus souvent possible si nous nous considérons comme un bon citoyen.
Alors, comment interpréter ces trois comportements rudimentaires selon Tenrikyô ?
D'abord, la gratitude. Pourquoi doit-on rappeler une attitude aussi basique que celle-ci ? Tenrikyô nous prend-il pour des imbéciles ? Certainement pas.
Réfléchissons. Même si l'on rappelle toujours aux enfants qu'il faut dire merci, il y a parfois des circonstances où nous, les adultes, avons du mal à prononcer ce simple mot. Au lieu de dire merci, nous nous plaignons, nous râlons. Pourquoi ? Parce que tout simplement nos cœurs s'obscurcissent. C'est à cause des poussières mentales. Non seulement elles s'accumulent en nos propres cœurs mais aussi nous les éparpillons vers les autres. C'est comme si nous nettoyons devant notre maison tout en balayant les déchets vers les maisons des voisins.
Les poussières mentales ne sont pas naturellement nuisibles. Mais quand nous ne pensons qu'à nous, elles deviennent néfastes. La haine par exemple. Nous pouvons l'avoir tous sans exception mais tant qu'elle reste en nous, elle n'est pas nuisible pour les autres. Certes elle est à nettoyer mais elle reste une question spirituelle et individuelle. Par contre, si nous l'exprimons en public ou si les autres la sentent, cela pose des problèmes.
Et ces poussières mentales, même les personnes parfaites ne peuvent pas les éviter.
À l'époque d'Oyasama, on disait que dans la salle de cuisine, les personnes se disputaient car chacune avait sa façon de préparer les repas. Oyasama a donc dit que dans la cuisine, les poussières mentales s'accumuleraient en elle. Même Oyasama fut exposée au risque d'accumulation des poussières.
Oyasama dit également :
« Eh bien, c'est tout comme dans une maison même neuve : on aura beau calfeutrer portes et fenêtres, au bout de dix, vingt jours, si le nettoyage n'est pas fait, il y aura tellement de poussière qu'on pourra écrire sur les tatami ! »
(Anecdote 130, « Le moindre grain de poussière »)
Alors, comme nous ne sommes pas parfaits, les poussières s'infiltrent en nous inconsciemment. Si nous ignorons ce danger, non seulement nous les gardons sans les nettoyer mais aussi nous éparpillons autour de nous à notre insu nos poussières désastreuses qui pénétreront par la suite les cœurs des autres. Autrement dit, notre cœur obscur noircira également ceux des autres. D'où la difficulté à se comprendre et se montrer reconnaissant les uns envers les autres.
La reconnaissance est à l'opposé de cette circulation des poussières. Elle répand la joie et éclaire les autres. Un simple « merci » ou une expression de gratitude a un sens spirituel ; ils nous permettent d'éviter les poussières mentales et nous empêchent de les éparpiller. Nous ne pouvons éviter d'entasser les poussières en nous mais faisons attention à ne pas les répandre.
Il y a toujours de quoi remercier. Garder la gratitude en toutes circonstances est une pratique spirituelle basique mais de première importance.
Ensuite, la modération.
C'est une morale enseignée dans l'Osashizu, les prescriptions divines. C'est un mot qui peut indiquer la sobriété, la réserve contre le gaspillage ou la surconsommation. S'il s'agit d'une chose, il est tout a fait compréhensible de se garder de gaspiller, de consommer inutilement. Mais du côté spirituel, que donne-t-elle cette modération ? Nous pouvons imaginer qu'elle consiste à se calmer, à ne pas être égoïste, capricieux ou présomptueux par exemple. Cependant quand on parle de la modération, on risque de ne pas oser agir, autrement dit de se renfermer à l'intérieur de soi.
Regardons d'abord ce qui est dit dans les paroles de Dieu.
Ici ou là, le cœur se reflète, tout le monde s'abstient de faire ceci, dire cela. C'est ainsi que l'on se croit modéré. N'ayez jamais une petite pensée humaine !(Osashizu, le 14 novembre 1888)
On peut voir dans cette parole que la petite pensée humaine ne fait pas partie de la modération. C'est-à-dire que si l'on ne fait pas le nécessaire par crainte d'embêter les gens, cela n'est pas en accord avec l'enseignement. Sur le plan spirituel, la modération consiste à faire ce qu'il faut au moment où il faut.
Or, comme beaucoup d'entre vous le savent, le principe de la Chose prêtée/empruntée est l'un des enseignements les plus importants de Tenrikyô.
Comme il est dit dans ce verset de l'Ofudesaki :
Tant que chacun ignorera que son corps est un emprunt,
il ne comprendra rien à rien.III-137
Certainement, la violence physique n'a pas sa place dans la vie quotidienne de Tenrikyô. Et ceci sans aucune exception possible. Parce que le corps qui ne nous appartient pas doit être traité comme une chose empruntée. Nous n'abîmons pas les livres empruntés à la bibliothèque par exemple. Il faut bien soigner son propre corps ainsi que ceux des autres car ils ne sont pas la propriété des êtres humains.
D'ailleurs, corps et cœur sont profondément liés. Corps blessé, le cœur vit mal. Cœur blessé, le corps perd la vitalité. Or si l'on profère une parole insultante et que le cœur est affecté, le corps vit mal cette blessure mentale. Même si le cœur nous appartient en propre, nous n'avons pas à déchirer le cœur d'autrui car cela frappera le corps par la suite.
Nous sommes libres de dire et faire quoi que ce soit mais de façon à ce que cela ne blesse rien ni personne. Pour cela, il faudra faire un retour sur soi pour que le cœur soit débarrassé de la petite pensée humaine qui ne fait que penser à soi au point de condamner la porte de communication.
La modération est donc un équilibre spirituel entre l'intériorité et l'extériorité. Il faut savoir nous situer convenablement au besoin. Il ne faut pas se mêler de tout. Il ne faut pas rester tout le temps dans son coin non plus. La modération consiste à savoir trouver des comportements appropriés et des paroles justes tout en gardant la sincérité au cœur, c'est-à-dire, en cherchant à nous purifier en permanence.
Enfin, l'entraide. Dans l'Ofudesaki, il est dit,
Désormais, si tous les hommes du monde
s'entraident en toutes choses,XII-93Sachez que Oyagami ita">Tsukihi reconnaîtra leur cœur
et les sauvera en tout !XII-94
Comme nous le voyons dans ces versets, c'est Oyagami qui nous sauve mais nullement les hommes, même si nous pratiquons l'entraide.
J'entends appuyer ma pensée sur les paroles de l'Okakisage,
Dans l'acte de se dévouer, de faire des efforts, j'entends se sauver mutuellement. Et se sauver mutuellement est un principe de mon Enseignement. Celui qui sauve autrui agit en vertu de la véritable sincérité et en sauvant il se sauve lui-même. Saisissez-le bien.
En effet « se sauver mutuellement » est un principe de l'enseignement. Autrement-dit on peut dire que l'entraide n'est pas elle-même un enseignement. Le mot « entraide » sert de moyen pour faciliter la compréhension. Le plus important, c'est qu'« en sauvant il se sauve lui-même ».
Suivant cette dernière affirmation, nous pourrons bien comprendre que l'entraide n'existe pas en réalité.
Référons-nous au dictionnaire de Tenrikyô (Tenrikyô Jiten) :
L'entraide est une circulation des aides entre soi et les autres. Si nous ne faisons qu'attendre l'aide de quelqu'un, l'entraide ne se réalisera jamais. Elle se réalise seulement dans le sens unique d'aider autrui. … Ce principe ne consiste pas à sauver les personnes mais plutôt à vouloir les voir sauvées, et son aspect fondamental se situe dans le retour de l'aide reçue.
Réfléchissons un peu là-dessus. Dès la naissance, nous sommes déjà aidés par plusieurs choses, plusieurs personnes. Nous n'avons qu'à aider en retour des aides reçues. Quelle que soit la mesure de notre aide aux autres, elle n'égalera jamais ce que nous avons déjà reçu. Ce que nous devons faire, c'est aider en sens unique sans attendre de retour. Notre véritable entraide se réalisera dans l'aide unilatérale de chacun. Effectivement, il se peut qu'il y ait des personnes ingrates envers notre générosité. Mais ce n'est pas important car l'aide que nous avons déjà reçue est incommensurable. Ce n'est pas parce que j'ai aidé quelqu'un qu'il m'aidera par la suite. Le sens de l'entraide n'est pas unique mais multiple.
En définitive, nous ne cherchons pas l'entraide, mais l'aide tout simplement. C'est cela, l'esprit de Tenrikyô. Vous penserez peut-être que c'est injuste, trop demandé. Mais ne nous inquiétons pas. Dans cet esprit-là, il y a toujours le retour attendu ou inattendu. Le monde spirituel réagit autrement que le monde humain.
Vous pouvez me dire aussi que finalement, si nous apportons notre soutien aux gens en sachant que nous serons aidés, nous sommes hypocrites. Certes, il y a des personnes exemplaires qui sont totalement altruistes. Mais en même temps elles sont très rares et il est difficile de faire pareil. Pour la plupart des personnes, il est normal de penser à soi-même et ce n'est pas mauvais non plus. C'est la raison pour laquelle il est d'autant plus méritant de penser aux autres, d'aider les autres. À l'origine, Oyagami souhaitait voir les hommes mener une Vie de Joie. La quête de notre propre bonheur est une chose naturelle - voire programmée - pour les hommes et justifiée chez Tenrikyô. Les hommes aspirent à la Vie de Joie, autrement dit à la paix ou au bonheur. Nous n'avons pas à être toujours ou totalement altruistes mais il ne faut quand même pas attendre quelque chose en retour du soutien que nous avons apporté. Je le répète, l'entraide n'existe pas chez Tenrikyô mais seulement l'aide tout court.
En fin de compte, ces mots-clés paraissent simples mais il n'est pas facile de les mettre en pratique pour autant. Il est donc utile de les rappeler. Remettons-nous en cause sans penser avec prétention que nous les pratiquons sans faille.
Je vous remercie de votre attention.