Tenrikyo Europe Centre

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Discours du Service mensuel de mai '11

Mariko HASEGAWA

Bonjour à tous. J'espère que vous allez bien. Moi, je suis très en forme. Mais comme c'est mon premier discours pour le service mensuel du TEC, je suis très tendue.
Malgré mon niveau de français et des expériences insuffisantes, permettez-moi d'accomplir ma tâche de mon mieux.
Je vous prie donc de bien vouloir m'écouter un petit moment s'il vous plaît.

Je voudrais bien d'abord me présenter. Mon nom est Mariko HASEGAWA. Mon mari est Monsieur Hasegawa, que tout le monde connaît, peut-être. Nous nous sommes mariés, il y a 5 ans à Tenri.

Voilà, comme cela, début mars, j'avais presque terminé de préparer le texte d'aujourd'hui pour parler du parcours de ma vie ou de ma famille ou bien de l'histoire familiale de la foi à Tenrikyo, qui se poursuit sur plusieurs générations.

Toutefois, le 11 mars, une chose bouleversante s'est produite dans ma vie.
Le grand tremblement de terre au nord-est du Japon.

Je suis née et j'ai grandi dans un petit quartier nommé Kirikiri, situé au bord de la Mer du département d'IWATE. C'est un quartier où il n'y a rien d'intéressant excepté une très belle Mer. Mais c'est ce quartier-là qui était un des secteurs les plus ravagés par le Tsunami après le tremblement de terre.
Du coup, étant des plus concernés par les victimes du séisme, j'ai décidé d'amender le texte quasi terminé et de parler de ce que j'ai vécu pendant ces derniers temps.

J'ai appris par l'internet qu'il y avait eu un grand tremblement de terre survenu au large des côtes nord-est du Japon. Dans ma maison parentale, il y avait mon père, mon frère ainé, sa femme et leurs 4 enfants J'ai appelé tout de suite mon père, mais les lignes de téléphone fixe et de portable était coupée. J'ai donc téléphoné à TENRI pour en parler avec d'autres membres de la famille : ma mère, deuxième grand frère et ma petite sœur. Mais pour eux non plus, aucune informations sur la situation de mon quartier natal. Je suis restée sans nouvelles pendant 5 jours.

Par l'internet, je pouvais regarder des vidéos incroyables ; d'innombrables voitures et maisons ravagées et de nombreux quartiers et villes qui sont en train d'être submergées par le Tsunami. En regardant de telles vidéos, je ne pouvais pas m'empêcher d'enflammer mon imagination ; si c'était le cas de ma famille ou s'ils étaient sous les débris de leur maison détruite par le tremblement de terre.

Cinq jours après le séisme, ma mère m'a téléphoné pour dire qu'ils étaient tous bien sains et saufs : c'était une information donnée par un fidèle de Tenrikyô habitant à une heure de voiture de la maison.

Et puis, 7ème jour, mon frère m'a confirmé par téléphone que toute famille était très bien et que le tsunami n'était pas arrivé jusqu'à la maison. Il était allé voir la famille à Kirikiri en voiture. Malgré les grandes secousses, la maison a bien résisté. Pour les dégâts, on voit la salle de bain très endommagée qui ne peut plus servir et plusieurs tuiles tombées et cassées. C'est tout.

Pour moi qui connais la fragilité de construction de la maison, c'était un miracle. Pour la protection merveilleuse et inattendue qu'Oyagami a accordée à la famille, je l'ai remercié du fond de mon cœur.

Mais, je ne pouvais pas me réjouir autant, parce que plus on connaît l'ampleur des dégâts, plus on est confronté à la tristesse profonde.

Je restais aussi en contact avec des amis d'enfance qui vivent loin du quartier Kirikiri pour recueillir des informations.

Trois jours après le séisme, un ami m'a envoyé une liste marquant tous les noms de mes amis survivants du Tsunami. Malgré tout, ils ont tous sauvé leur vie. Je me suis sentie très soulagée.

Mais 2 jours après. sur le site de Twitter, j'ai trouvé un message au sujet des nouvelles d'amis sinistrés. Il s'agit d'un des noms qui étaient écrits sur la liste que j'ai reçue 3 jours auparavant. Je me dis : « c'est bizarre. Sans doute, cette personne n'a pas encore été informée ». J'ai contacté celui qui m'avait fourni la liste et demandé d'informer l'expéditeur du message en question de ce que son ami a survécu.

Mais sa réponse n'était pas du tout celle que j'attendais.
Selon lui, quand il a téléphoné à la maison de cet ami, son père a affirmé que son fils était sain et sauf. Mais en réalité, le père, ne sachant pas la situation de son enfant, disait que son fils n'avait aucun mal.
Le jour du séisme, il se trouvait dans la ville de Miyako située environ à une heure de route de notre quartier de Kirikiri. Il y était allé faire des cours. Peu de temps après les secousses, il aurait téléphoné pour dire à sa famille: « Je reviendrai tout de suite.». Cela était son dernier mot pour la famille. Il n'y a qu'un seul itinéraire. La route qui passe sur la côte. Si le Tsunami était arrivé juste au moment où il y passait.

A propos, l'ordre de cette histoire est inverse, l'été dernier, je suis rentrée à la maison parentale. J'avais hâte d'aller à une fête amicale tenue pour moi par mes amis de quartier. Nous avons fait le barbecue chez un ami pêcheur professionnel. Cette fête m'a permis de rencontrer plusieurs anciens amis jamais vus depuis 20ans. J'ai passé vraiment un bon moment sympathique et nostalgique.
Et, c'était justement l'ami ayant pris alors l'initiative qui était devenu introuvable.

Je reviens sur l'histoire de tout à l'heure.
En fait, Il s'agit de la raison pour laquelle le père a prétendu que son fils allait bien, c'était seulement qu'il ne voulait pas que les amis de son fils s'inquiètent. Sa famille et les amis du quartier ont cherché dans les établissements recevant des réfugiés. Les amis habitants loin ont fait la recherche sur l'internet en lisant les listes des réfugiés ou en faisant diffuser la demande d'information sur lui. Cette enquête a fini par une triste nouvelle. Il a été retrouvé mort par la famille dans la ville d'où il essayait de rentrer. Il était exposé dans un centre destiné aux dépouilles mortelles des victimes.
En écoutant cette histoire, on pourrait se demander « pourquoi le père n'a pas dit que son fils était porté disparu ? » ou douter si il n'aimait vraiment son fils. Toutefois, je pense que, vu la situation catastrophique, le père ne voulait pas donner aux gens encore plus de soucis à se faire pour son fils. C'est tout. Sans aucun doute, il aurait voulu crier ouvertement : « retrouvez mon fils, sauvez-le je vous prie… » Mais il ne l'a pas fait. Il prenait soin des autres au point de cacher son malheur familial pour éviter de les rendre encore plus malheureux. je pourrais dire que même dans une catastrophe pareille, il avait autant d'attentions et de soucis apportés aux autres qu'à son fils. Je pense qu'il pensait à son fils mais aussi aux autres, d'autant plus, vu les circonstances du drame commun.

Concernant les comportements des Japonais face du séisme, ce qui m'a dégoûté le plus, ce sont les gens non sinistrés qui ont acheté en masse ou qui se sont plaints du programme d'interruption du courant et qui réagissent de façon démesurée et répandent des rumeurs défavorables à des villes victimes du séisme. Eux, ils se plaignent de la moindre restriction sans se réjouir de leurs situations actuelles. Je ne pouvais pas supporter d'entendre leur mécontentement égoïste comme c'était à cause des habitants des régions touchées par le tremblement de terre et le Tsunami. Ils se comportent comme s'ils étaient sûrs qu'un tel drame ne tomberait jamais sur eux. Mes amis sinistrés, à chaque fois que je les contacte, ils expriment leurs excuses en disant « pardon, pardon » et puis « je vais bien, je vais bien » . Bien que ce ne soit absolument pas leur faute, ils s'excusent, Bien qu'ils aient perdu leur maison et de la famille, ils prétendent qu'ils vont bien. Les sinistrés ayant subi des grandes peines disent « pardon » et les gens non sinistrés se plaignent. J'ai trouvé que c'était très regrettable et lamentable.

D'autre part, j'ai pensé aussi que cela dépend peut-être de la différence de statut. Lorsque le tremblement de terre de Hanshin - Awaji est survenu en 1995, j'étais étudiante, j'habitais à Nara, département proche de Hyogo et tout en ayant beaucoup de temps libre, je n'ai fait que regarder la télé d'un air triste. On dit souvent que « penser à la place de l'autre» ou « prendre la joie et la tristesse de l'autre pour les miens » etc. Mais, cela est plus difficile que cela en a l'air. je pense que n'importe qui pense plus à soi-même qu'à l'autre. Ainsi, j'apprécie le comportement du père de l'ami décédé. Quelque soit sa situation et celle des autres, il met en avant l'autre. C'est une vraie considération et l'amour de l'autre.

Mon ami décédé disait ceci lors de la fête: « je travaillais dans une grande ville, mais en regardant mon père travailler à la mer, je me suis aperçu que ma vocation était de devenir pêcheur comme lui. Je suis donc revenu avec ma fille pour commencer une nouvelle vie ici à Kirikiri que j'aime beaucoup. »
Pensant à un tel ami qui respectait considérablement ses parents et son père en particulier qui se fait toujours du souci pour les autres, la seule chose qui me console un peu, c'est le fait que son corps ait été retrouvé par la famille et qu'il a pu rentrer chez lui. Il est vrai que beaucoup de personnes restent encore introuvables.

« Malgré la grande vague dévastatrice, il a conservé son visage et son corps intacts, il était en parfait état» m'a raconté un ami ayant vu sa dépouille.
Moi, très attristée et affligée, je pense que sa famille l'est encore plus et puis, le plus affligé et dépité de tous est sans doute le défunt, lui-même, parce qu'il a dû quitter notre monde en abandonnant sa chère fille de 5 ans.

Les douleurs et les tristesses des victimes ne se comptent pas dans un bilan des dégâts en chiffres. Un bilan ne représente pas une histoire unique mais autant d'histoires individuelles que le chiffre indiqué Le chiffre de vingt-cinq mille nous apprend l'ampleur des dégâts et qu'il y a vingt-cinq milles d'histoires différentes.

Quand nous n'avions aucune nouvelle de la famille après le séisme, j'ai parlé une fois avec ma mère au téléphone.
Elle a dit « Si notre église et notre maison s'étaient écroulées, nous n'aurions qu'à les reconstruire comme nos grands parents l'avaient fait. C'est aussi simple que ça. Même si quelqu'un parmi nous manquait, je l'accepterais. Toutes choses dépendent de la volonté de Dieu. Nous n'avons qu'à bien réfléchir à cela.

J'ai pensé qu'elle était très forte et que cela s'explique bien sa conviction solide à l'égard de l'enseignement de Tenrikyô. Quant à moi, je n'ai pas pu penser comme ma mère.

D'ailleurs, même maintenant, je ne peux pas encore tenir compte de la réalité des faits monstrueux. Ces idées ne me quittent pas : « pourquoi un tel drame est-il survenu dans mon quartier ? pour les familles ou les gens auxquels je suis attachée ? Pourquoi Dieu, tu ne les as pas sauvés ? »
Les victimes du quartier sont de simples paysans, vivant modestement en harmonie de la nature, qui l'aiment et la respectent plus que les autres. Pour quelle raison, ce peuple innocent a dû subir cette épreuve épouvantable ?

Un enfant de 4 ans qui avait perdu sa maman à cause du Tsunami a dit : « Moi aussi, je veux être emporté par la vague du Tsunami et revoir ma maman. Je veux devenir la vague du Tsunami »
Après avoir lu cette anecdote, j'ai beaucoup pleuré.

En face des Japonais, qu'ils soient sinistrés ou pas, il y a maintenant beaucoup d'épreuves à surmonter. Cependant, il faut absolument recréer une société qui permettra à cet enfant de 4 ans de dire un jour : « malgré la perte de ma mère, je suis très content que ma vie ait été sauvée ».

Dans l'Ofudesaki, Ecrit au pinceau, il y a ce verset :

Croire que tout est bien parce que tout va bien
Aujourd'hui, c'est erreur totale.

La commodité d'aujourd'hui ne doit pas se réaliser aux dépens de l'avenir des enfants. Il ne faut pas prendre leur avenir à la légère même si cela évoque une certaine incommodité. Il faut se méfier de la tendance humaine en matière de comportement mental : l'avidité et l'orgueil, et puis, graver dans le cœur le principe d'aide mutuelle.
Le Dégât naturel, la guerre et le problème de la centrale nucléaire ne sont pas des choses réservées au Japon. Cela peut arriver à n'importe quel pays.
Devant les dégâts considérables, le Japon, un des pays les plus développés du monde, n'est plus capable de s'y prendre tout seul. Il a besoin d'aides internationales pour la reconstruction du pays.
Je pense que ce serait la même chose pour les autres pays. L'homme ne peut pas vivre seul, le pays non plus.

Un autre verset d'Ofudesaki :

Sans chercher de raccourci, sans avidité, sans orgueil,
Prenez la seule vraie Voie toute droite.

La seule Vraie Voie, cela signifie sans doute « la Voie pour la Vie de Joie ». Mais, je pense que l'on peut l'interpréter comme la voie que chacun a trouvée durant sa vie religieuse. Quand on fait les vœux à Oyagami pour lui demander son secours, on s'engage souvent à ce que « Désormais, je n'oublie jamais la gratitude pour tout et de tout envers Oyagami et je trouve ma joie dans les moindres choses ». Mais, au fil du temps, l'on oublie l'engagement et finit par redevenir quelqu'un d'incapable de se réjouir de la protection quotidienne d'Oyagami.
Ce verset nous enseigne peut-être l'importance de ne pas oublier son engagement et de travailler en prenant soin de l'autre, et en se gardant toute autosatisfaction.

Après avoir passé quelques jours dans notre quartier dévasté, le frère de Tenri m'a prédit que le Kirikiri deviendrait plus fort que jamais.
Moi, aussi, j'y crois absolument.

Alors, je termine mon discours en remerciant vivement toutes les personnes qui se sont fait du souci pour ma famille et pour moi.
Je vous remercie de votre attention.

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