Tenrikyo Europe Centre
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Saburo MORISHITA (Professeur du département des études régionales de la faculté des études internationales de l'université de Tenri)
Qui aurait imaginé qu'une personne comme moi, né et élevé dans une petite église de Tenrikyo à Los Angeles en Californie, puisse un jour se retrouver face à vous pour vous donner le discours d'aujourd'hui? Peut-être certains d'entre vous auraient pu l'anticiper, mais moi, je ne l'aurais jamais imaginé !
Je suis venu pour la toute première fois au Tenrikyo Europe Centre, il y a trente ans au mois de juillet en route pour commencer mes études en Italie. A cette époque, la salle de prière était au premier étage dans un bâtiment différent de celui-ci qui n'existe dorénavant plus, et sa taille n'était guère plus grande qu'un salon. Maintenant, comme nous pouvons le voir et parfois, aussi considérer comme normal aujourd'hui, cette salle de prière est tellement spacieuse, ses plafonds très hauts, et la lumière de dehors scintille à travers ces immenses fenêtres, illuminant cette harmonie de couleurs.
La signification de cet endroit si spécial prend tout son sens lorsque nous gardons en tête la raison pour laquelle il a été bâti, et surtout, par qui: cet espace pour pratiquer le service n'est pas seulement le résultat de la combinaison de votre dévotion sincère ainsi que vos innombrables efforts que vous avez du faire sur la voie en Europe, que vous soyez jeunes ou âgés, en ayant l'audace de viser haut en bâtissant une maison de Dieu, mais aussi c'est aussi la preuve de votre dévotion et foi pour ceux qui continuent à en faire bon usage aujourd'hui.
Cela fait également trente ans en Octobre dernier que le Tenrikyo Europe Centre a été officiellement invité pour participer à la Première Journée de Prière pour la Paix dans le Monde, tenu à Assisi en Italie. Peut-être que certains d'entre vous avez l'impression que c'était hier. Rappelons-nous que c'était la toute première fois que le Tenrikyo s'est vêtu le otsutome-gi, ce que nous avons mis aujourd'hui pour le service, et a pratiqué le service assis et les 8 versets du Yorozuyo et les 12 hymnes du Mikagura-uta, en public pour prier pour la paix mondiale.
M. Kamada Chikayoshi, à la tête de ce centre à l'époque, avait même apporté avec lui les chaises en bois pour les 5 danseurs, une cassette audio du Mikagura-uta, et croyez-le ou non, mais également un lecteur audio noir et rectangulaire pour l'écouter: lorsque le bouton "Lire" a été appuyé, la délégation de Tenrikyo s'est naturellement levé et a commencé à "danser". Le Tenrikyo avait été assigné de prier dehors, en public sur une place en pelouse, devant l'église médiévale appelée San Pietro, gracieusement bâtie , s'élevant sur la ville médiévale et agricole de plusieurs centaines de mètres.
J'ai été chanceux de pouvoir faire partie de cette délégation car il se trouvait que je venais de commencer mes études depuis quelques mois dans une ville située à 26 kilomètres de là. Personne ne savait à quoi s'attendre car c'était une première pour tous les participants, y compris les membres de la religion catholique traditionnelle depuis plusieurs siècles !
La question que l'on me pose fréquemment est si j'étais embarrassé d'avoir fait ce que nous avons fait ainsi que de la façon dont nous l'avons fait : danser les hymnes du Mikagura-uta dans les vêtements du service (otsutome-gi) et par dessus tout, devant tant de monde, en particulier devant les médias du monde entier- en plein air. A cette question, je répondais: " Bien sur je l'étais", mais pour être honnête, j'étais plus embarrassé vers la fin de notre prière lorsque le Mikagura-uta a commencé à ralentir et le rythme saccadé à cause de la batterie du lecteur audio de la cassette qui s'épuisait ! (rires attendus).
Blagues à part, j'avais déjà en quelque sorte l'habitude de ce type de « démonstration de Tenrikyo » avant de mettre pied sur le sol européen comme les activités de Tenrikyo dans mon église américaine à Los Angeles dans les années 1980s, qui consistaient à « des moments embarrassants » tel que le Kamina-nagashi dans le quartier du voisinage et plus encore, vous savez, tenir l'immense drapeau allongé avec les caractères chinois très curieux aux yeux des autres signifiant « Tenri-O-No-Mikoto », nous paradions en jouant le claquoir et en chantant les 8 versets du Yorozuyo.
Nous faisions le hinokishin dans le quartier tel que le balayage des rues où s'amoncelaient des bouteilles de bières vides ou produits utilisés en soirée par les jeunes, et mettre ces déchets dans des poubelles de nos mains nues, parfois, nous allions aussi faire le nioigake de porte à porte qui, à l'époque, était considéré comme dangereux.
Ce type d'activités faites devant mais aussi pour autrui ont été et sont toujours « embarrassantes » mais la logique derrière notre engagement à les faire que nos aînés ont peiné à nous enseigner et ont tâché d'imprégner en nous était que ces activités n'étaient pas des activités typiques, donc, elles ne n'étaient pas conduites pour être jugées par les autres.
Les réels juges sont Oyagami Dieu Parent et Oyasama, qui, d'ailleurs, serait tellement ravie et heureuse en voyant que nous conduisons ces actes sacrés.
Nous nous engageons à conduire ces actions à la place et pour Dieu, en matérialisant sa protection divine dans la dimension humaine de place et temps. Nous ne devrions pas se sentir embarrassés et au contraire, nous devrions les intégrer dans notre vie et les faire avec conviction, avec confiance en les associant avec un sens de fierté et de dignité.
Le Kamina-nagashi faire le nioigake de porte-à-porte, les activités de hinokishin dans le quartier, et pratiquer les danses sacrées en public, partagent ainsi la même logique, bien qu'elles puissent être embarrassantes et difficiles à pratiquer au début, ces accomplissements apporteront grande joie à Dieu Parent.
Lorsque le moment est venu de danser les 12 hymnes pour la Prière pour la paix en otsutome-gi devant tant de personnes qui ignoraient qui nous étions et ce que nous allions faire, il a été facile pour moi de me rappeler les choses que l'on m'a enseignés en grandissant- que ces actes de Tenrikyo, bien qu'elles puissent paraître absurdes et curieuses aux yeux des témoins et donc difficiles à faire, ces activités restent des activités respectables et valent la peine de les conduire aux yeux de Dieu. Encore aujourd'hui, je continue de penser que cela est plus facile à dire qu'à faire.
La plupart du temps, le service de Tenrikyo n'est pas pratique en public mais dans des endroits clos, des espaces sacrés comme celui-ci. Il est non seulement effectué avec les vêtements spéciaux pour le service mais aussi avec les instruments et les chanteurs. Nous célébrons le service comme nous l'avons fait ensemble aujourd'hui en harmonie, avec les membres de notre communauté. En parallèle de ce que j'ai mentionné plus tôt concernant le lieu de prière et mon expérience de la danse du Mikagura-uta en public, cela me permet d'utiliser le peu de temps qui me reste avec vous pour partager avec vous mes pensées sur le service.
Je pense que le service représente un état idéal que l'on s'efforce d'atteindre durant le service mais plus important, un état, une façon d'être que l'on essaie de maintenir et de mener longtemps après que le service soit fini. Le service est un rappel de ce que nos vies devraient et pourraient être si seulement nous nous laissons guider par Dieu. Atteindre cet état idéal serait de vivre au jour le jour avec un esprit enthousiaste et vibrant de la Vie de Joie.
En d'autres mots, le service est un modèle de la Vie de Joie - la réflection de la pure joie réalisée.
En tant que modèle, il sert donc pour critère, un point de référence, pour toutes nos façons de penser et d'agir tout en menant notre vie dans la joie. L'un des critères fondamentaux qui émerge du service est ces interactions complémentaires et équilibrées avec les autres qui sont indispensables pour la réalisation de la Vie de Joie. Si nous soulignons le rôle individuel de chacun dans le service - chacun des 9 instruments, les danseurs et chanteurs, mais aussi les fidèles qui sont ici pour le célébrer- je ressens le fait que chacune des parties individuelles est toujours en interaction avec les autres parties séparées pour former un ensemble parfait.
Pour expliquer cette idée plutôt simple de la complémentarité des interactions avec autrui, prenons par example les claquoirs. Il consiste à deux morceaux satinés de bois , et ne fonctionne que lorsqu'on les ramène ensemble. Ce son est le rythme continuel et équilibré qui résonne à travers les chants, du début à la fin. Parfois, c'est un peu difficile lorsqu'il a un double rythme, mais en principe, les claquoirs sont en quelque sorte le battement de cœur du service, qui bat son pouls du début à la fin.
Ce qui interagit en harmonie avec les claquoirs est le son claquant et aigu des cymbales. Cet instrument n'est jamais joué en même temps que les claquoirs- il résonne précisément sur le rythme opposé. Si le service avait un rythme binaire, les claquoirs performeraient un rythme et les cymbales celui opposé.
Si les claquoirs représentaient la main droite, les cymbales représenteraient tout simplement la main gauche. Pris ensemble, ils se concordent parfaitement pour créer un flux continu et stable tout au long du service, leurs interactions nous rappellent le procédé en équilibre pour mener à l'épanouissement vers la Vie de Joie.
Cela peut être un exemple pour décrire les interactions avec un "autre" totalement différent de soi-même. A travers cette réalisation, nous maintenons un certain type de complémentarité: si je suis ébène, l'autre est ivoire. Si je suis la lune, l'autre est Soleil. Si je suis inférieur, l'autre est supérieur et ainsi de suite. Cet équilibre harmonieux d'interactions symboliques avec les autres est une clé très importante pour mener à la Vie de Joie comme montré à travers cet exemple des claquoirs en interaction avec les cymbales, qui s'avère extrêmement simple mais trop souvent pris pour acquis.
La seconde raison pour laquelle je crois que le service est un modèle de la Vie de Joie réside dans le fait que le service requiert l'unisson des cœurs. La Vie de Joie, aussi nécessite cette façon très importante de vivre dans nos vies quotidiennes. En tant que participants individuels du service, nous devons avoir constamment conscience que les autres pratiquants d'instruments jouent, de la façon dont les autres personnes dansent, et de la manière de chanter des chanteurs. Nous sommes aussi conscients que l'audience doit être dans le même rythme qui a été mis en place par les pratiquants. Jouer un instrument spécifique ou danser n'est pas quelque chose que l'on doit faire pour soi mais plutôt quelque chose que l'on fait ensemble. Et quand nous le faisons ensemble, nous écoutons, considérons, et réagissons a ceux qui font de leur mieux pour remplir leur rôles respectifs.
Pratiquer le service est autant une externalisation des expressions qu'une internalisation de ces derniers.
Une réelle unisson des cœurs suppose que les différentes parties -toutes celles qui sont préjudiciables pour la pratique du service -fusionnent en une. Mais en quoi ces parties fusionnent-elles ?
Une unisson des cœurs ne peut que prendre place si nous sommes capables de se débarrasser de nos imaginations égocentriques et en nous laissant guider par ces imaginations, nous allons ne plus former qu'un avec Dieu. Ce qui sera, quand les pratiquants individuels commencent à pratiquer pour pratiquer sans prendre en compte ce que les autres font, cela ne mènera qu'à une mortification.
Rétrospectivement, nous demandons à tous les pratiquants de mettre Dieu Parent au centre de toutes leurs pensées pendant le service.
Similairement, longtemps après que le service soit fini, si nous étions capables de nous débarrasser de nos imagination trop égoïstes, naturellement nous laisserions Dieu Parent au centre de nos pensées même tout au long de notre vie quotidienne. nous permettant de vivre la Vie de Joie. Ainsi, la Vie de Joie s'établirait par elle-même, de manière naturelle et spontanée et ce, de manière permanente.
Enfin, avant de finir mon discours d'aujourd'hui, je souhaiterais juste mentionner que les efforts à s'engager dans ces activités de Tenrikyo "embarrassantes" n'auront probablement pas eu un effet direct sur la croissance de l'église, ou augmenter le nombre de fidèles- cela reste une congrégation très petite localisée dans un quartier.
Cependant, comme j'ai pu en faire allusion ici, personne ne peut prédire et savoir de manière sûre quels fruits naîtront de nos efforts et, comme je n'aurais jamais imaginé moi-même être ici devant vous pour faire ce discours à cette occasion propice aujourd'hui, il est possible que ce soient ces petites activités que l'on fait malgré notre volonté pour le Tenrikyo dans les rues de Los Angeles qui m'ont permis de partager ces pensées avec vous- et je n'ai que Dieu Parent et Oyasama à remercier pour cette occasion.
Permettez-moi de finir ce discours avec un verset de l'Ofudesaki approprié au thème d'aujourd'hui :
« Qu'est-ce qu'il fait là ! » se diront les gens.
Mais Dieu se réjouira de leurs rires.Ofudesaki I : 72.
Qu'Oyasama soit avec vous.
Merci pour votre aimable attention.