Discours du Service mensuel de mars '12

Yoichirô MIYAMORI (Directeur des Missions Etrangères de Tenrikyô)

Le mois dernier, le Tenrikyô Europe Centre a fait un nouveau pas avec l'installation de son nouveau chef, Monsieur Hasegawa. Comme lui et Madame Hasegawa sont encore jeunes, il est naturel, je pense qu'il leur manque un peu d'expérience pour répondre, du moins au début, à l'attente des autres fidèles. Pourtant selon moi, le chef du Centre n'est pas « l'entraîneur » de notre « équipe », mais il en est « le capitaine ». Et notre entraîneur, c'est Oyasama. Vous devriez chercher tous ensemble à deviner le projet de l'entraîneur, et c'est le capitaine, le chef du Centre, qui doit jouer le rôle principal pour le réaliser.
Un homme grandit en se conformant à sa nouvelle position. En effet, je suis convaincu qu'il va faire de son mieux pour devenir un homme digne de ce poste important.
Je souhaite donc que vous, le chef et les autres fidèles, fassiez des progrès, en unissant votre cœur, vers le développement de la Voie en Europe.

Au mois de mars de l'année dernière s'est produit le grand tremblement de terre qui frappa la région de Tôhoku au Japon, et dont le bilan humain compte près de 20.000 morts et disparus. Pour la reconstruction totale de cette région, il faudra encore du temps et je ne peux m'empêcher de prier Dieu pour le rétablissement le plus tôt possible et la guérison de la douleur des sinistrés.
Comme vous le savez, j'ai vécu à Paris pendant 25 ans, jusqu'en mars de 2009. Il y a 17 ans, il y a eu un grand tremblement de terre dans la région d'Osaka et Kobe. À cette époque-là, en France, j'ai rencontré une personne qui avait bien appris l'Enseignement de Tenrikyô. Elle m'a demandé si les 6000 victimes du séisme avaient été emportées à cause des crimes de leur vie antérieure. Elle connaissait un couple japonais, assez âgé, qui avait péri dans ce désastre. Ce couple avait bon caractère, et il était adoré de ses enfants, de ses petits-enfants, et des gens du même quartier. Elle se demandait pourquoi ils avaient dû mourir, tandis que pas mal de gens y avaient survécu malgré les mauvaises actions qu'ils n'avaient cessé de faire. Et elle m'a interrogé comment interpréter ce fait, qui lui paraissait absurde, selon l'Enseignement de Tenrikyô.
Pour le tremblement de terre de Tôhoku aussi, il est impossible, tout naturellement, que toutes les victimes aient jusqu'alors accumulé des poussières mentales dans le cœur, et il devait y avoir beaucoup de gens admirables.
Si on revient au séisme de Kobe, je n'ai pas pu alors répondre à la personne qui m'a interrogé. Mais maintenant, j'ai enfin trouvé une solution pour lui expliquer. Je suis missionnaire de Tenrikyô, mais je ne pourrais pas lui assurer que la foi de cet Enseignement lui permettra de comprendre tout l'univers, ni tous les êtres. Même avec la foi, il reste beaucoup de choses inconnues. Il faut penser autrement. Il est vrai que le monde est plein de mystères. Nous devons essayer de trouver la volonté de Dieu dans tout ce qui arrive dans la vie, et les efforts que nous y consacrons, c'est la foi même. La solution qu'il faut trouver dans la vie est différente pour chaque personne, ce que je trouve tout à fait naturel. Enfin, je promettrais à cette personne de m'efforcer tout le temps de comprendre la volonté de Dieu pour trouver ma solution, et je lui conseillerais de faire les mêmes efforts pour trouver la sienne.
En effet, dans la vie, beaucoup de choses qui peuvent nous paraitre absurdes et difficiles à comprendre se produisent. Il y a aussi des choses que nous parvenons à comprendre avec le temps. De toute façon, il est vrai que toutes les choses dans le monde proviennent de la volonté d'Oyagami, choses à travers lesquelles il désire nous conduire à la Vie de Joie.

Le but ultime du Tenrikyô est la Vie de Joie. Et par la Vie de Joie, qu'est-ce que l'on entend ? La Doctrine de Tenrikyô nous enseigne ceci :

Même si à nos yeux et à notre ouïe le monde reste tel quel, le monde qui se réfléchit en nous change, et ce que nous avons cru jusqu'à maintenant être un monde de souffrance, nous le comprenons maintenant comme un monde de joie. Si notre cœur s'illumine, le monde alentour s'illumine à son tour et c'est pourquoi, en vérité, il a été enseigné : « Là où le cœur est parfaitement pur, là est le paradis. »
(La Doctrine de Tenrikyô, p.63)

En regardant le monde à travers des lunettes dont les verres sont teintés en rouge, il nous parait rouge, et avec des verres teintés en bleu, il nous parait bleu. Mais il n'en reste pas moins que le monde réel n'est pas changé. De même, à travers les lunettes à verres « teintés de douleur », le monde nous paraît douloureux, et au cas de celles à verres « teintés de joie », le monde nous semble joyeux. En vérité, c'est en fonction de l'attitude de chacun que tout se détermine, le monde plein de douleur ou plein de joie. Finalement, ce n'est pas à travers le changement du monde réel, mais celui de notre interprétation du monde, qui doit nous exalter, que nous parvenons à la Vie de Joie, je pense.
Mais est-ce que c'est vraiment par notre interprétation que le monde qui se réfléchit en nous change, comme à partir de celui plein de douleur à celui plein de joie ? C'est vrai. J'en suis convaincu, car ce changement m'est arrivé dans ma vie.
Comme vous savez, mon fils est né handicapé intellectuellement, atteint de trisomie 21. À sa naissance, mon cœur était empli de découragement et d'inquiétudes. Un jour, un chef d'église de Tenrikyô, qui était aussi médecin, s'est rendu à Paris pour quelques affaires, et il est venu nous voir. En voyant mon fils, il m'a dit que j'étais vraiment heureux. Je ne comprenais pas ce qu'il disait. Mais selon lui, c'est Dieu qui confit les enfants aux parents, et il est certain qu'il examine les parents avant de confier. Dans le cas d'un enfant handicapé, Oyagami doit choisir des parents qu'il considère comme capables de veiller à sa bonne croissance et sa bonne éducation. Puisque, ma femme et moi, nous avions été choisis par Oyagami, nous pouvions en être fiers. Il rajouta qu'il était souhaitable que tous les enfants handicapés naissent dans des familles de fidèles Tenrikyô. Cette idée ne m'était jamais venue à l'esprit. À partir de là, j'ai commencé à regarder autrement le handicap de mon fils, et à m'exalter petit à petit.

Pour nous, fidèles de Tenrikyô, le couple et la famille sont la base pour mener la vie. La Vie de Joie doit commencer par le couple, et passer ensuite à la famille et aux proches. Elle doit se répandre dans tout le pays, et le jour où elle se diffusera dans le monde entier, on pourra dire qu'elle sera réellement accomplie.
Il y a une vingtaine d'années, lors du 100e anniversaire de la disparition d'Oyasama, je me suis rendu au Congo, où il y a une église Tenrikyô. Entre le Congo et le Japon, même maintenant, il n'y a presque pas d'échanges. Il n'y a pas d'ambassade du Japon au Congo, ni d'ambassade du Congo au Japon. À cette époque-là, il n'y avait que trois Japonais, deux fidèles de Tenrikyô, et une sœur catholique. Nous avions souvent l'occasion de parler ensemble, malgré la différence de la foi.
Comme vous savez, pour les prêtres et les sœurs catholiques, le mariage est interdit. Un jour, j'ai dit à cette sœur que je l'admirais, parce qu'elle était venue seule au Congo, un pays où l'environnement est vraiment sévère, et qu'elle me semblait bien intégrée parmi les Congolais. Et je lui ai demandé si ses parents au Japon ne s'inquiétaient pas pour elle. Mais selon elle, c'était plutôt nous, les missionnaires de Tenrikyô, qui étions dignes d'admiration, car nous devions laisser notre famille dans notre pays natal pour la transmission de notre foi dans des pays étrangers. Et elle m'a dit que si elle avait été mariée, elle ne serait jamais venue au Congo, parce qu'elle n'aurait pas voulu être séparée de son mari ou de ses enfants si elle venait à disparaitre, mais quant à nous, ça ne nous gênait pas. Ce qu'elle m'a dit m'a rendu vraiment fier de pouvoir emprunter cette Voie avec la famille.

Dans le Mikagura-Uta, il y a une phrase qui dit « Ici se trouve le paradis de ce monde ». Quel lieu désigne le mot « ici » ? Comme dans le vers suivant : « Moi aussi, j'aimerais sans tarder venir y prier. », ce mot doit être interprété premièrement comme le Jiba ou l'Oyasato. Mais je pense qu'on peut aussi l'interpréter comme « la maison où l'on habite actuellement ». C'est-à-dire que si un couple ou une famille vivent en s'entraidant, leur maison deviendra un paradis. Et si les gens du même quartier vivent en s'entraidant, ce quartier le deviendra. Pour trouver le paradis, nous n'avons pas besoin d'aller loin, mais seulement de nous contenter de l'environnement qui nous entoure actuellement. C'est l'essence de cet Enseignement, n'est-ce pas ?

Il y a deux ans, lorsque le père de ma femme est décédé, ma belle-mère s'est retrouvée seule et nous avons décidé de la recueillir chez nous, même si notre maison n'est pas bien grande. En fait, elle souffre légèrement de la maladie d'Alzheimer. Comme je vous ai dit tout à l'heure, mon fils est handicapé. Ma femme et moi, nous devons donc habiter avec mon fils et ma belle-mère.

Lorsque nous avons pris la décision de la prendre avec nous, j'ai envoyé un email à mes deux filles, qui habitent à Paris, pour leur apprendre la nouvelle. Elles m'ont répondu que ça devait être plus dur pour ma femme, mais ça les rassurait de savoir que leur grand-mère n'était pas seule, et elles en furent contentes.
Pour mon fils, nous n'avons plus autant de peine pour nous occuper de lui, mais cela nécessite tout de même un peu plus d'efforts en comparaison avec une personne valide. Ma femme doit donc faire beaucoup d'efforts pour eux, et je trouve ça assez dur. Mais elle a l'air vraiment contente de pouvoir s'occuper de sa mère, car restée en France, elle ne l'avait pas pu pendant vingt-cinq ans, ce dont elle regrettait.
Pour nous tous aussi viendra le jour où, en vieillissant, quelqu'un devra s'occuper de nous. Je suis sûr que plus nous nous dévouons à quelqu'un d'autre, plus nous recevrons de soins attentionnés. Selon l'Enseignement, il s'agit de ce qui est causé par des actes de notre propre existence présente. La sincérité consacrée à autrui sera sans aucun doute récompensée.
En éprouvant de la joie vis-à-vis de notre innen, la cause qui s'est manifestée dans le couple ou la famille par la volonté d'Oyagami, nous devons mener la Vie de Joie, et la répandre, en servant de modèle, aux alentours et enfin au monde entier. C'est la tâche des fidèles de Tenrikyô.

Pour finir, j'aimerais porter ma réflexion sur la façon dont est perçu le Tenrikyô à travers le monde.
En janvier 2002, le Pape Jean Paul II a invité les représentants de douze religions du monde au Vatican, pour discuter sur la paix dans le monde. Ce qui l'a poussé à organiser cette réunion, c'est à cause des actes terroristes perpétués le 11 septembre 2001 : deux avions détournés par des islamistes se sont jetés sur le World Trade Center à New York, causant de nombreuses victimes. Ce qui était le plus effrayant pour ce terrorisme, c'est qu'il pouvait provoquer des guerres sans distinctions régionales. C'est-à-dire, comme il y a pas mal de musulmans aux États-Unis et pas mal de chrétiens au Moyen-Orient, il pouvait y avoir des guerres globales, qui détruiraient complètement le monde entier. Afin d'éviter une telle catastrophe, le pape s'est décidé à prier pour la paix, sans distinction de religions.
Le Vatican a alors invité les représentants des religions suivantes : le christianisme, le bouddhisme, le judaïsme, l'islam, l'hindouisme, le sikhisme, le shintoïsme, le zoroastrisme, le jaïnisme, le confucianisme, les religions ethniques d'Afrique, et le Tenrikyô. Ces religions, sauf le Tenrikyô, ont toutes une longue tradition. Même le christianisme est encore jeune parmi elles. Je me demande, d'une part, pourquoi le Tenrikyô y a été invité, mais je pense aussi que, d'autre part, comme le Vatican avait beaucoup étudié le Tenrikyô, il devait assez hautement apprécier notre Enseignement pour nous inviter.
Il faut dire aussi que le Pape actuel, Benoît XVI, s'est donné beaucoup de mal pour nous aider à ouvrir un siège en Allemagne, à l'époque où il était cardinal à Munich.
Et l'année dernière, la chaine CNN aux États-Unis publia un article sur internet sur les activités du Corps d'hinokishin, alors qu'il se consacrait au secours des sinistrés du tremblement de terre de Tôhoku. C'est Mme Barbara Ambros, professeure à l'université de Caroline du Nord qui le rédigea. J'ai eu l'occasion de parler avec elle, et de lui demander pourquoi elle a présenté en particulier les activités du Corps d'hinokishin. C'est CNN qui le lui avait demandé, car la chaine s'intéressait aux activités menées par les religions japonaises dans la région touchée par le séisme, fait que les médias japonais n'ont pas du tout rapporté. Mme Ambros étudiait les religions japonaises, et c'est pour cette raison que CNN le lui demanda. Parmi ces activités, c'est sur celles du Tenrikyô qu'elle décida de rapporter, car elle avait fait des études sur Oyasama.

En effet, lors du tremblement de terre de Tôhoku, Tenrikyô a envoyé environ cinquante mille personnes pour les activités de secours dans la région sinistrée.

Il est donc vrai que les gens hors de Tenrikyô apprécient hautement notre Enseignement. Et quant à nous, nous devons faire tous les efforts pour élargir le cercle de la Vie de Joie.

Je vous remercie de votre attention.

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